Découvrez les visions croisées d'experts de la transition, des nouveaux imaginaires et de la créativité dans un format interview qui inspire chacun à trouver sa juste place.
Et de nombreux concepts éclairants qui vous feront prendre du recul, ou faire un pas de côté.
19/09/2025
Jeudi 7 février 2013, Michel Rollier, ancien gérant de Michelin, proposait sa vision de la confiance dans l’entreprise à l’occasion d’une conférence organisée par l’ITA à Chamalières (Puy-de-Dôme). Ce dernier a rappelé l’impérieuse nécessité de la confiance au sein d’une entreprise. Et simultanément, Michel Rollier a mis en garde les auditeurs contre l’angélisme, en faisant, selon ses mots "l’éloge de la défiance", au regard de la fragilité globale des entreprises aujourd’hui et de la faiblesse humaine face au pouvoir.
Voici, pour vous, l’essentiel de son propos.
« La confiance fait partie des sentiments humains profonds. C’est vital pour l’homme. Et l’entreprise en a aussi besoin, car elle génère de l’engagement. Pourtant, comme nous l’avons vu, l’heure est à la méfiance. Mais, il faut le rappeler, les entreprises ont aussi beaucoup fait pour détruire la confiance. Par exemple, je relevais aujourd’hui dans la presse, l’amende de plus de 600 millions de dollars que devra verser la Royal Bank of Scotland pour avoir manipulé le Libor.
Pour moi, la confiance nait du sentiment que mon chef ou mon collègue agit honnêtement et possède les compétences nécessaires. Nous avons besoin de cette double approche : compétences et moralité ou éthique.
Individuellement, différentes vertus sont nécessaires :
La confiance a pour fondation l’affectivité. Elle doit être réciproque et non univoque. Elle est faite de respect et en même temps de distanciation. Car il faut se garder des faiblesses humaines. Aujourd’hui, les entreprises ont une fragilité que l’on ne réalise pas toujours.
Ainsi, j’ai beaucoup renforcé les contrôles et les audits durant mon passage à la tête de Michelin.
En tant que responsable, une méfiance est indispensable. Il faut des mécanismes de contrôle des patrons, comme nous en avons mis en place chez Michelin. En effet, un patron est guetté par les affres de la courtisanerie. C’est délicieux et l’on s’y habitue très vite. Des problèmes peuvent aussi naître quand le patron est coupé de la base et dorloté par une équipe de direction qui a envie de bien se faire voir. C’est humain.
Je me souviens d’un tour de table où, pour voir, j’avais pris une position à laquelle tout le monde s’est progressivement rallié, même si je sentais que ce n’était pas forcément ce qu’ils pensaient. A la fin du tour de table, j’ai volontairement exprimé un point de vue radicalement différent.
Enfin, l’excès de bienveillance peut être un danger. On a besoin de dire que c’est mauvais.
Pour conclure, je dirais que, personnellement, je me suis souvent référé aux quatre vertus cardinales :
19/09/2025
Quand on a demandé à Alexandre Gérard ce qui au fond de lui l’avait motivé pour s’engager sur le chemin de l'entreprise libérée, il a répondu : « Pour moi, il n’y a pas de lien entre pouvoir et bonheur ».
Nous l'avons rencontré à l'occasion d'une rencontre dans le Puy-de-Dôme pendant laquelle il a témoigné de son parcours à Chronoflex. Un partage surprenant et marquant.
Voici son histoire.
« Comment comprenez-vous qu’un homme de 45 ans qui gère son budget familial en épargnant tous les mois ait à demander l’autorisation de son responsable pour 12€ de note de frais ? Comment expliquez-vous qu’une femme très engagée dans sa commune, fasse strictement le minimum lorsqu’elle arrive dans l’entreprise ? Quelle énergie est ainsi perdue, alors qu’elle pourrait être mise à disposition de l’entreprise et de son projet collectif !
Dans une entreprise, les improductifs expliquent souvent aux productifs ce qu’ils doivent faire, alors que la création de richesse se fait à la base et non en haut.
Le Samu du flexible hydraulique
Pour moi, tout a commencé en 1995, juste après mon service militaire. J’ai alors pris la tête d’une entreprise, Chronoflex, dans un domaine tout à fait attrayant : le dépannage du flexible hydraulique sur site. Le flexible, c’est ce tuyau noir que l’on trouve sur les chariots élévateurs ou sur les machines de chantier. Quand il casse, la machine s’arrête, et le chantier aussi. On perd alors vite beaucoup d’argent.
Nous avions une grande ambition, nous voulions être le Samu du flexible hydraulique, intervenir partout en France en moins d’une heure. Et nous avons démarré avec un véhicule d’intervention. Pendant 15 ans, cela a été formidable : on doublait de taille très souvent. Tous les mois, on embauchait des personnes. Mon bureau servait de salle de réunion, tout cela dans une ambiance parfois potache. Partis de trois, nous sommes arrivés à 300 équipiers en 2007, avec 100 000 interventions sur site dans l’année. Nous devancions largement notre premier concurrent. Notre porte-avions semblait indestructible.
Pourtant, en 2009, nous avons vécu notre première crise. Nous avons perdu 34% du chiffre d’affaires et 750 000 euros sur l’exercice. Et, à ce moment là, la peur est rentrée au cœur de notre organisation. Il a fallu virer 60 équipiers, des personnes que je n’avais pas envie de virer. Ce fut un drame personnel. Quinze années d’efforts pour cela. Je tombe malade et je reste avec ce questionnement incessant : qu’est ce que je peux faire ?
Un jour, je reçois un carton d’invitation pour une conférence à Nantes, intitulée « L’entreprise du 21ème siècle existe, je l’ai rencontrée ». Lorsque je rentre dans l’amphithéâtre, je vois sur l’estrade un monsieur en blouse sur laquelle est inscrit Favi. L’entreprise du 21ème siècle fabrique donc des fourchettes de boîtes de vitesse à Hallencourt en Picardie. C’est aussi attrayant que le flexible hydraulique.
Et là, Jean-François Zobrist nous explique comment il a transformé l’entreprise en créant des micro-usines et en libérant les énergies. Il s’agit de privilégier la confiance au contrôle en permettant à chacun de réinvestir des postes à valeur ajoutée. En résumé, il s’agit de libérer l’entreprise.
Cette fois-ci, ça y est. J’ai trouvé la réponse à la question que je me posais depuis des mois. A la fin de la conférence, je vais le voir, lui indique que je veux libérer mon entreprise et lui demande ce qu’il faut faire. Il me répond « démerde toi ». Croyant ne pas avoir bien entendu, je reformule ma question et obtient la même réponse. Cela me met dans une colère terrible. Je trouve la personne qui peut m’aider à remonter Chronoflex et il me dit de me débrouiller. De rage, je sors de l’amphithéâtre en achetant les quatre livres qui sont proposés. Je m’y plonge immédiatement. Je vais les lire chacun deux fois.
Je découvre alors que, comme beaucoup, j’ai géré l’entreprise pour les 3%. Vous savez, ceux qui trichent, qui, lorsqu’ils font le plein de leur véhicule, ont un petit bidon qu’ils remplissent avec le dernier litre. Comme tous, lorsque j’en attrapais un, je faisais dans la foulée une note de service.
Mois après mois, cette littérature était devenu vraiment abondante. Je me suis aperçu que je castrais moi-même l’entreprise car je gênais les 97% qui ne trichaient pas. De même, j’étais absolument seul à décider. Le lundi, comme le groupe était composé de neuf sociétés, je faisais tout seul neuf codir d’une heure à la suite, une vraie bête. Finalement, la crise n’était pas la seule responsable de la situation de l’entreprise, je l’étais aussi.
J’ai alors réuni mon équipe rapprochée et leur ai partagé les livres de Jean-François. Nous avons passé une journée ensemble et nous nous sommes dit « banco, on y va ». Mais, pour que cela fonctionne, il fallait absolument agir sans rien dire. Nous avons tout d’abord lancé trois chantiers :
Durant cette période, je fais un gros travail sur moi-même avec un coach. Le livre d’Isaac Getz, « Liberté & Cie, quand la liberté des salariés fait le bonheur de l’entreprise » m’a donné des clés de lecture. Il s’agit d’installer de la confiance et de la liberté au cœur de l’organisation.
Cela est aussi passé par différents changements de postures :
Lorsque nous avons considéré que nous étions prêts, nous avons réuni toute l’entreprise pour une grand messe. Je leur ai dit que nous allions mettre le porte avion à la casse pour construire des speeds-boats. En travaillant tous ensemble, nous avons découpé notre champ d’action en 25 régions. Ensuite, nous avons défini ensemble le rôle du capitaine. Et, dans la foulée, nous avons fait choisir les capitaines par leurs pairs, une élection sans candidat. Au fond de la salle, nous avions affiché ce qui était remonté au cours des chantiers précédents. Nous avons alors proposé à tous de traiter des sujets qu’ils voulaient au sein de groupes de travail. Pour y participer, il suffisait d’en avoir envie.
C’était parti et j’ai croisé les doigts pour que cela ne nous pète pas à figure. Et cela nous a pété à la figure. Car nous avions oublié une chose fondamentale. Nous ne les avions pas formés à travailler en groupe et nous avions évité que des managers prennent la tête des groupes.
Un mécanisme de partage de la richesse créée, partagé par tous
L'été de la même année, j’avais décidé de prendre le large avec ma famille pour une année autour du monde en bateau. Trois jours avant de partir, le seul groupe qui avait résisté est venu me voir en me disant, « ça y est, on a décidé de notre sujet : la refonte de la rémunération variable de l’entreprise. »
La montée du stress fut immédiate, car j’avais essayé par deux fois d’attaquer ce sujet sans aucun succès. Je me suis dit que le voyage risquait de durer plus longtemps car je n’étais pas certain de retrouver l’entreprise à mon retour. Au final, ils ont fait un travail de fond énorme. Ils ont trouvé un mécanisme partagé par tous, supprimant tous les anciens systèmes de carotte et de bâton. Toute l’entreprise est passée à un compte de résultat par camion. Ainsi, tout le monde sait si le véhicule d’intervention gagne ou perd de l’argent. L’autre base du mécanisme était une répartition d’un pourcentage de la richesse créée collectivement. Au mois de mars suivant, les résultats ont été multipliés par 4.
Cela pique au niveau de l’ego
Clairement, revenir de voyage et voir que cela va mieux qu’avant, cela pique un peu au niveau de l’ego. L'année suivante, comme tout va bien, on embauche 60 personnes. Trois mois après, en mars, l’entreprise vit une première épreuve juste après les élections municipales. Les demandes d’intervention s’arrêtent d’un coup. On informe largement de ce qui se passe. Fin avril, pas de réaction, fin mai, rien, fin juin, rien, fin juillet, rien, fin août rien, et fin septembre, au moment où on allait reprendre les rênes, ils s’y sont mis. Et, au final, ils ont embauché 60 personnes et réalisé un résultat positif de 750 000 euros, exactement le contraire de 2009 où la crise avait été similaire.
L’entreprise libérée n’est pas un état, c’est un chemin
Que retenir de tout cela ? L’entreprise libérée n’est pas un état, c’est un chemin. Il faut se mettre en route et créer une courbe d’expérience collective. L’information ne doit plus être un enjeu de pouvoir. Il faut réussir à réinstaller au cœur de l’organisation la culture de l’erreur. Si tu ne fais pas d’erreurs, c’est que tu n’as pas assez innové. Enfin, la clé de voûte de l’entreprise libérée, c’est le partage de la vision et des valeurs.
Aujourd’hui, si le budget de l’année suivante est inférieur pour une des régions, les capitaines font ce qu’ils veulent. Les grandes décisions sont prises par le collège des 25 capitaines.
Quatre idées à garder
Pour finir, voici 4 idées qui résonnent en moi lorsque je regarde ce chemin que nous avons parcouru depuis 5 ans :
Qu’en pensez-vous ?
08/08/2025
En Europe, parler de la confiance peut se référer à deux cultures, comme nous l'expliquent Stéphane Hugon et Aurélien Fouillet d'Eranos. Schématiquement, on est soit dans l'écrit, soit dans l'oral. Voici un résumé de ce qui les distingue.
Votre confiance nait d'un papier signé ou d'une poignée de main ?
En France, le pacte est encore très présent dans le monde de l'élevage. Si vous avez eu l'occasion d'assister à un marché aux bovins sur un foirail, le maquignon et l'éleveur se tapent dans la main lorsqu'ils sont tombés d'accord. En occitan, on parle de la "patcha" ou de la "pacha".
Et vous, êtes-vous plutôt contrat ou pacte dans vos relations d'affaires ? Connaissez-vous des entreprises dont la culture profonde reste fondée sur le pacte ?
20/12/2024
Après un parcours dans de grands groupes, Clotilde a décidé de créer La Méthode. Elle propose aux entrepreneurs des programmes créatifs pour créer, développer, transformer leur entreprise. Elle investigue aussi de nouveaux territoires comme celui du développement personnel, de l’intuition et de la maïeutique.
LA RÉPARATION. En tant qu’être humains, nous n’avons plus le choix que de réparer ce que nous avons cassé.
Cela s'impose sur plusieurs plans. Le plan matériel, évidemment, en dépolluant, en replantant, en rééquilibrant. Le plan mémoriel ensuite : réparer les mémoires en demandant pardon pour tous nos crimes collectifs : guerres, esclavage, colonisation, génocides... Le plan spirituel enfin : réparer les âmes et les consciences. Cela passe par toutes les nouvelles thérapies : réparation transgénérationnelle, hypnose, constellations familiales…
LA MAÏEUTIQUE. Celle que nous a enseigné Socrate : l’art de conduire l'interlocuteur à découvrir et à formuler les vérités qu'il a en lui. Plus j’avance dans la vie et plus je me rends compte que nous connaissons toutes les réponses à nos questions. La difficulté c’est d’y avoir accès.
« Connais-toi toi même et tu connaîtras l’univers et les Dieux », telle était l’inscription qui trônait au fronton du temple de Delphes. J’ai fait mienne cette devise dans mon métier de consultante en mettant au point des outils d’introspection et de clarification de la pensée qui permettent de passer la barrière du mental pour accéder à une dimension intérieure étonnamment sachante.
ET LA LUMIÈRE FUT, de Jacques Lusseyran. Je viens de le finir. Ce livre m’a transpercée et renversée. C’est l’histoire vraie d’une cécité héroïque. Comment un enfant devenu aveugle à l’âge de 8 ans parvient à transcender sa condition pour devenir un héros de la résistance, survivre dans les camps de la mort puis faire œuvre de transmission en tant qu’écrivain et professeur de littérature.
Une histoire de miroir inversé, un récit qui nous montre à quel point ceux qui voient sont aveugles quand les aveugles sont des voyants. Une incarnation parfaite de la parole de Saint Exupéry : « L’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le coeur ».
Une invitation à repartir de soi pour mieux réparer le monde.
Merci Clotilde pour cette sagesse !
20/12/2024
Comment gérer ses éco-émotions quand on est immergé dans ce sujet à longueur de journée ?
Au sein de Mélibée, Solenn Assathiany travaille au quotidien à accompagner la transformation des entreprises grâce à l'intelligence collective.
Pour gérer son éco-anxiété et développer sa résilience, Solenn Assathiany a recours à un outil très simple : les livres. 📚
Elle vous partage son livre essentiel dans cette interview.
La co-fondatrice de Mélibée est aussi une lectrice d'Edgar Morin, une lecture qu'elle estime indispensable pour se familiariser avec la complexité.
A mon sens, il s’agit de la compréhension de notre inter-dépendance au sein de nos éco-systèmes, le premier étant l’éco-système Terre, dont nous dépendons toutes et tous, que nous partageons et qui est unique.
La coopération, l’intelligence collective.
J’aurai du mal à dire qu’il n’y en a qu’un, et cela évolue selon les périodes. Mais je pense que lire Edgar Morin est une lecture indispensable pour se familiariser avec la complexité. J’ai notamment lu Leçons d’un siècle de vie qui m’a beaucoup marquée. Mais en ce moment, un autre ouvrage a énormément d’importance pour moi, c’est celui de Charline Schmerber: Petit guide de survie pour écoanxieux. Elle y parle d’éco-émotions, et donne des pratiques pour apprendre à gérer ces éco-émotions. Ce qui pour moi est un outil très précieux pour développer ma résilience, face aux tumultes que nous commençons à vivre et qui seront de plus en plus forts dans les prochaines années.
Avez-vous lu aussi ce livre de Charline Schmerber ?
Avez-vous un livre qui vous aide au quotidien ?
20/09/2024
Apprendre à prendre le temps. Ralentir, ou au moins décélérer. Prendre confiance dans le processus autant (si ce n'est plus) que dans la destination. Le fait de prendre le temps, de se forcer à ne pas tout avoir tout de suite, peut-être même à faire un effort (mental, physique) pour y parvenir, sera "pédagogique" pour beaucoup d'entre nous.
... la randonnée ! Une activité accessible à tous, même avec peu de matériel, gratuite, facile - pour tous niveaux - et qui force à prendre le temps. Qui plus est, au contact de la nature. Prendre le temps en randonnée, c'est s'arrêter pour sentir une fleur, regarder un paysage, toucher une écorce d'arbre, écouter un chant d'oiseau dans la forêt. Prendre le temps en randonnée, c'est - si on peut marcher deux ou trois jours minimum - une transformation de son esprit, un changement de perspective qui s'opère doucement et sûrement.
Et notre pays dispose de paysages tellement beaux et variés, avec des points d'accueil ou d'alimentation très fréquents, des chemins entretenus et balisés, qu'il serait dommage de ne pas en profiter.
"Immortelle randonnée" de Jean-Christophe Rufin.
Concrétisez un modèle économique robuste dans un monde à réparer
Pierre Gérard
pg@regardsmeles.fr
06 15 42 46 67
190 Rue des Têtes
63110 Beaumont
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Photos Marielsa Niels
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