Découvrez les visions croisées d'experts de la transition, des nouveaux imaginaires et de la créativité dans un format interview qui inspire chacun à trouver sa juste place.
Et de nombreux concepts éclairants qui vous feront prendre du recul, ou faire un pas de côté.
Trouver sa juste place, ça peut être un long chemin à parcourir.
En tant qu'individu, et en tant qu'organisation, trouver ce que nous avons de plus important à dire et à partager avec le reste du monde peut s'avérer plus complexe qu'il n'y paraît.
Savoir se poser les bonnes questions, aller en profondeur demande du temps, une part de courage mais aussi de savoir-faire.
Ce savoir-faire, nous l'avons développé et mis en œuvre pour d'autres, nous pouvons aussi le faire pour vous.
A l'occasion d'un premier rendez-vous sans engagement par téléphone ou en visio, faisons connaissance et voyons si nous pouvons, ensemble, cheminer vers le changement qui vous tient à cœur.
Contact
Pierre Gérard
pg@regardsmeles.fr
06 15 42 46 67
19/09/2025
Quand on a demandé à Alexandre Gérard ce qui au fond de lui l’avait motivé pour s’engager sur le chemin de l'entreprise libérée, il a répondu : « Pour moi, il n’y a pas de lien entre pouvoir et bonheur ».
Nous l'avons rencontré à l'occasion d'une rencontre dans le Puy-de-Dôme pendant laquelle il a témoigné de son parcours à Chronoflex. Un partage surprenant et marquant.
Voici son histoire.
« Comment comprenez-vous qu’un homme de 45 ans qui gère son budget familial en épargnant tous les mois ait à demander l’autorisation de son responsable pour 12€ de note de frais ? Comment expliquez-vous qu’une femme très engagée dans sa commune, fasse strictement le minimum lorsqu’elle arrive dans l’entreprise ? Quelle énergie est ainsi perdue, alors qu’elle pourrait être mise à disposition de l’entreprise et de son projet collectif !
Dans une entreprise, les improductifs expliquent souvent aux productifs ce qu’ils doivent faire, alors que la création de richesse se fait à la base et non en haut.
Le Samu du flexible hydraulique
Pour moi, tout a commencé en 1995, juste après mon service militaire. J’ai alors pris la tête d’une entreprise, Chronoflex, dans un domaine tout à fait attrayant : le dépannage du flexible hydraulique sur site. Le flexible, c’est ce tuyau noir que l’on trouve sur les chariots élévateurs ou sur les machines de chantier. Quand il casse, la machine s’arrête, et le chantier aussi. On perd alors vite beaucoup d’argent.
Nous avions une grande ambition, nous voulions être le Samu du flexible hydraulique, intervenir partout en France en moins d’une heure. Et nous avons démarré avec un véhicule d’intervention. Pendant 15 ans, cela a été formidable : on doublait de taille très souvent. Tous les mois, on embauchait des personnes. Mon bureau servait de salle de réunion, tout cela dans une ambiance parfois potache. Partis de trois, nous sommes arrivés à 300 équipiers en 2007, avec 100 000 interventions sur site dans l’année. Nous devancions largement notre premier concurrent. Notre porte-avions semblait indestructible.
Pourtant, en 2009, nous avons vécu notre première crise. Nous avons perdu 34% du chiffre d’affaires et 750 000 euros sur l’exercice. Et, à ce moment là, la peur est rentrée au cœur de notre organisation. Il a fallu virer 60 équipiers, des personnes que je n’avais pas envie de virer. Ce fut un drame personnel. Quinze années d’efforts pour cela. Je tombe malade et je reste avec ce questionnement incessant : qu’est ce que je peux faire ?
Un jour, je reçois un carton d’invitation pour une conférence à Nantes, intitulée « L’entreprise du 21ème siècle existe, je l’ai rencontrée ». Lorsque je rentre dans l’amphithéâtre, je vois sur l’estrade un monsieur en blouse sur laquelle est inscrit Favi. L’entreprise du 21ème siècle fabrique donc des fourchettes de boîtes de vitesse à Hallencourt en Picardie. C’est aussi attrayant que le flexible hydraulique.
Et là, Jean-François Zobrist nous explique comment il a transformé l’entreprise en créant des micro-usines et en libérant les énergies. Il s’agit de privilégier la confiance au contrôle en permettant à chacun de réinvestir des postes à valeur ajoutée. En résumé, il s’agit de libérer l’entreprise.
Cette fois-ci, ça y est. J’ai trouvé la réponse à la question que je me posais depuis des mois. A la fin de la conférence, je vais le voir, lui indique que je veux libérer mon entreprise et lui demande ce qu’il faut faire. Il me répond « démerde toi ». Croyant ne pas avoir bien entendu, je reformule ma question et obtient la même réponse. Cela me met dans une colère terrible. Je trouve la personne qui peut m’aider à remonter Chronoflex et il me dit de me débrouiller. De rage, je sors de l’amphithéâtre en achetant les quatre livres qui sont proposés. Je m’y plonge immédiatement. Je vais les lire chacun deux fois.
Je découvre alors que, comme beaucoup, j’ai géré l’entreprise pour les 3%. Vous savez, ceux qui trichent, qui, lorsqu’ils font le plein de leur véhicule, ont un petit bidon qu’ils remplissent avec le dernier litre. Comme tous, lorsque j’en attrapais un, je faisais dans la foulée une note de service.
Mois après mois, cette littérature était devenu vraiment abondante. Je me suis aperçu que je castrais moi-même l’entreprise car je gênais les 97% qui ne trichaient pas. De même, j’étais absolument seul à décider. Le lundi, comme le groupe était composé de neuf sociétés, je faisais tout seul neuf codir d’une heure à la suite, une vraie bête. Finalement, la crise n’était pas la seule responsable de la situation de l’entreprise, je l’étais aussi.
J’ai alors réuni mon équipe rapprochée et leur ai partagé les livres de Jean-François. Nous avons passé une journée ensemble et nous nous sommes dit « banco, on y va ». Mais, pour que cela fonctionne, il fallait absolument agir sans rien dire. Nous avons tout d’abord lancé trois chantiers :
Durant cette période, je fais un gros travail sur moi-même avec un coach. Le livre d’Isaac Getz, « Liberté & Cie, quand la liberté des salariés fait le bonheur de l’entreprise » m’a donné des clés de lecture. Il s’agit d’installer de la confiance et de la liberté au cœur de l’organisation.
Cela est aussi passé par différents changements de postures :
Lorsque nous avons considéré que nous étions prêts, nous avons réuni toute l’entreprise pour une grand messe. Je leur ai dit que nous allions mettre le porte avion à la casse pour construire des speeds-boats. En travaillant tous ensemble, nous avons découpé notre champ d’action en 25 régions. Ensuite, nous avons défini ensemble le rôle du capitaine. Et, dans la foulée, nous avons fait choisir les capitaines par leurs pairs, une élection sans candidat. Au fond de la salle, nous avions affiché ce qui était remonté au cours des chantiers précédents. Nous avons alors proposé à tous de traiter des sujets qu’ils voulaient au sein de groupes de travail. Pour y participer, il suffisait d’en avoir envie.
C’était parti et j’ai croisé les doigts pour que cela ne nous pète pas à figure. Et cela nous a pété à la figure. Car nous avions oublié une chose fondamentale. Nous ne les avions pas formés à travailler en groupe et nous avions évité que des managers prennent la tête des groupes.
Un mécanisme de partage de la richesse créée, partagé par tous
L'été de la même année, j’avais décidé de prendre le large avec ma famille pour une année autour du monde en bateau. Trois jours avant de partir, le seul groupe qui avait résisté est venu me voir en me disant, « ça y est, on a décidé de notre sujet : la refonte de la rémunération variable de l’entreprise. »
La montée du stress fut immédiate, car j’avais essayé par deux fois d’attaquer ce sujet sans aucun succès. Je me suis dit que le voyage risquait de durer plus longtemps car je n’étais pas certain de retrouver l’entreprise à mon retour. Au final, ils ont fait un travail de fond énorme. Ils ont trouvé un mécanisme partagé par tous, supprimant tous les anciens systèmes de carotte et de bâton. Toute l’entreprise est passée à un compte de résultat par camion. Ainsi, tout le monde sait si le véhicule d’intervention gagne ou perd de l’argent. L’autre base du mécanisme était une répartition d’un pourcentage de la richesse créée collectivement. Au mois de mars suivant, les résultats ont été multipliés par 4.
Cela pique au niveau de l’ego
Clairement, revenir de voyage et voir que cela va mieux qu’avant, cela pique un peu au niveau de l’ego. L'année suivante, comme tout va bien, on embauche 60 personnes. Trois mois après, en mars, l’entreprise vit une première épreuve juste après les élections municipales. Les demandes d’intervention s’arrêtent d’un coup. On informe largement de ce qui se passe. Fin avril, pas de réaction, fin mai, rien, fin juin, rien, fin juillet, rien, fin août rien, et fin septembre, au moment où on allait reprendre les rênes, ils s’y sont mis. Et, au final, ils ont embauché 60 personnes et réalisé un résultat positif de 750 000 euros, exactement le contraire de 2009 où la crise avait été similaire.
L’entreprise libérée n’est pas un état, c’est un chemin
Que retenir de tout cela ? L’entreprise libérée n’est pas un état, c’est un chemin. Il faut se mettre en route et créer une courbe d’expérience collective. L’information ne doit plus être un enjeu de pouvoir. Il faut réussir à réinstaller au cœur de l’organisation la culture de l’erreur. Si tu ne fais pas d’erreurs, c’est que tu n’as pas assez innové. Enfin, la clé de voûte de l’entreprise libérée, c’est le partage de la vision et des valeurs.
Aujourd’hui, si le budget de l’année suivante est inférieur pour une des régions, les capitaines font ce qu’ils veulent. Les grandes décisions sont prises par le collège des 25 capitaines.
Quatre idées à garder
Pour finir, voici 4 idées qui résonnent en moi lorsque je regarde ce chemin que nous avons parcouru depuis 5 ans :
Qu’en pensez-vous ?
Concrétisez un modèle économique robuste dans un monde à réparer
Pierre Gérard
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